Le temps du Carême, une période propice, au retour vers Dieu et à la conversion du cœur, est aussi un temps favorable pour examiner, avec le regard de Dieu, le traitement que nous, êtres humains, infligeons à d’autres créatures de Dieu, différentes de nous et pourtant appelées à louer le Seigneur par leur vie. Les relations avec les animaux renvoient au mystère d’inhabitation de toutes les créatures par Dieu, à la diversité étonnante des êtres vivants et à leurs intériorités si différentes.
Par-delà la fracture contemporaine des débats sur la cause animale entre spécisme et antispécisme ou bien entre un anthropocentrisme accusé d’être spéciste, « raciste » envers les animaux non-humains et un animalisme égalitariste soucieux de nier tout devoir particulier envers les membres de son espèce, une transformation du regard et de la responsabilité humaine est possible.
Prendre le temps de regarder et d’écouter les animaux des jardins et des parcs, des champs et des marécages, des forêts et des montagnes, des mers et des lacs, du ciel et de la terre, du jour et de la nuit, c’est se laisser transformer par ces êtres qui sont plus différents de nous que tous les êtres humains, et qui invite à élargir le cercle de la responsabilité et de la fraternité.
Notre vie dépend des vies animales et végétales et la leur dépend de la nôtre. Éprouver, sentir cette interdépendance bienfaisante peut nourrir la prière, le jeûne et le partage en ce temps de Carême. S’engager dans la symbiose davantage que la prédation, dans l’attention à la dynamique des écosystèmes et à la fraternité de destin entre les créatures, peut nourrir et renouveler le désir d’œuvrer à la sauvegarde de notre maison commune qu’est la Terre, au milieu des périls politiques et écologiques de notre temps.
Prions saint François, le patron des écologistes, pour que l’esprit du Christ ouvre notre regard et notre cœur à la souffrance de ces multitudes d’animaux et d’humains maltraités pour faire jaillir l’esprit de fraternité et d’amour, et inventer des chemins et cercles vertueux de bientraitance de tous les êtres vivants en transformant les structures et dynamiques humaines devenues porteuses, consciemment ou non, d’une concentration de malheurs et de péchés.
P. Éric Charmetant SJ (Centre Sèvres – Facultés jésuites de Paris)