Le 5 avril, alors que débutait l’assemblée plénière de printemps des évêques de France, CUT a envoyé 10 propositions d’engagements en écologie aux évêques de France. En effet, cette assemblée concluait une belle démarche de 3 ans consacrée à l’écologie intégrale et les évêques devaient adopter une proclamation de foi et des engagements. Il s’agissait alors de les inciter à formuler des textes suffisamment ambitieux et à la hauteur des enjeux de sauvegarde de la Maison commune.
Mais, nous le savons aujourd’hui, aucun accord n’a été trouvé à l’issue de la rencontre et le dossier à été confié au conseil « Famille et Société » de l’Eglise catholique et, sous sa conduite, au réseau des référents diocésains, pour qu’il soit retravaillé. Nos 10 propositions, quitte à être affinées et complétées elles aussi, ont donc vocation à continuer leur route afin d’encourager le service à charge de l’écologie à produire des documents nous engageant réellement dans la voie de la conversion dont nous avons besoin.
Voici nos 10 propositions :
1- La guerre fait rage aux portes de l’Europe. Les inventeurs du projet européen voulaient une Europe pour construire la paix. Or celle-ci s’est excessivement basée sur le commerce et un “bien-être” matériel et sur une consommation massive d’énergies fossiles. Aujourd’hui, la guerre s’appuie sur les fossiles et le dirigeant de la Russie a beau jeu de penser que la richesse fossile de son pays nous paralyse, c’est pourquoi il nous semble prophétique de :
→ refuser le gaz et le pétrole russe dans nos diocèses, paroisses et demander aux responsables politiques d’en faire autant. C’est l’occasion d’opter résolument pour la sobriété, l’efficacité et les renouvelables.
2- L’accord de Paris a défini que, pour garantir un avenir “vivable” aux habitants de notre “maison commune”, la température de la biosphère ne doit pas augmenter de plus de 1,5°C. Depuis, le pape François et l’épiscopat français (à l’occasion de la COP26 par exemple), ne cessent de rappeler cet objectif. Afin de faire correspondre les actes à la parole, il nous semble nécessaire de :
→ Réaliser un audit énergétique du patrimoine immobilier de chaque diocèse et son utilisation. Chauffer des locaux peu utilisés n’est-il pas un scandale ? Ainsi une réflexion sur l’avenir de ce patrimoine permettrait de « l’alléger « , de veiller à son utilisation optimale pour l’accueil, les initiatives (Amaps, séances de fresques du climat, hébergements de tiers lieux…), en plus des groupes présents actifs aujourd’hui. Pour favoriser cela, une « comptabilité écologique » serait également utile.
3- En mai dernier, l’Agence internationale pour l’Energie a publié un rapport énonçant que, pour respecter l’Accord de Paris, aucun nouveau projet d’exploitation d’énergies fossiles ne doit voir le jour désormais. Depuis plusieurs années, nombreux sont les diocèses et congrégations qui ont décidé que leur épargne ne financerait plus les énergies fossiles. Le Mouvement Laudato Si’ coordonne une annonce annuelle et peut être contacté pour plus d’informations.
→ la Conférence épiscopale et chaque diocèse pourrait annoncer son “désinvestissement” des énergies fossiles.
4- En novembre dernier à Glasgow (COP26), la France a participé à un accord de vingt pays s’engageant à stopper ces projets dès 2023. Or un projet français en Afrique de l’Est (Eacop/Tilenga) menace cet accord. Localement de nombreux chrétiens s’y opposent, d’autant que ce projet déplace 100 000 personnes en Ouganda et Tanzanie.
→ demander aux dirigeants de Total et au gouvernement français d’abandonner ce projet
5- La démarche entreprise à Lourdes a été novatrice et sûrement fructueuse. Elle a aussi montré que nos évêques étaient à l’écoute des signes des temps et disposés à réfléchir avec de nombreux laïcs dans un esprit de synodalité. Afin de la poursuivre cet élan :
→ constituer dans chaque diocèse un Observatoire Laudato Si’.
Cette instance serait destinée à nourrir l’évêque et ses plus proches collaborateurs (vicaire général, économe etc.) régulièrement des avancées, initiatives, questions de fonds liées à l’écologie intégrale dans le diocèse et au-delà. L’un des premières initiatives pourraient être une “fresque du climat” ou la rencontre de spécialistes de la biodiversité.
6- Les temps liturgiques ont une valeur inestimable. Le pape François, en 2015, tout comme le Conseil œcuménique des Eglises a proposé un Temps pour la Création du 1er septembre au 4 octobre. A l’exemple des diocèses italiens, ce temps pourrait être inscrit dans l’agenda de chaque diocèse et donner lieu, par exemple au dimanche de la St François (comme en Pologne), à une célébration, une rencontre d’envergure où pourraient être invités les divers services et mouvements présents dans le diocèse, afin de proposer par exemple diverses ressources et outils aux paroisses.
→ Proposer un Temps pour la Création diocésain annuel
7- Nous savons que nos émissions de gaz à effet de serre doivent être réduites, mais de combien ? Les experts considèrent que pour respecter l’accord de Paris, un niveau d’émission « juste » par habitant seraient de 2 tonnes d’équivalent CO2. Les émissions d’un Français sont en moyenne de 10 tonnes de CO2 par an.
→ Inviter chaque catholique à réaliser son bilan carbone individuel (ex: site Micmac) et à viser cet objectif de justice climatique de 2 tonnes. Afin d’entreprendre ce chemin, un premier objectif pourrait être de diviser par deux les émissions de chaque catholique, de chaque diocèse, de chaque paroisse d’ici 2030.
8- Les questions écologiques sont relativement récentes dans l’histoire de l’Eglise et les missions nombreuses. Aussi est-il important d’offrir aux fidèles, aux clercs, à tous les niveaux, une formation suffisante.
→ Proposer des formations (Animateur Laudato Si’, cursus « Croire et comprendre », formation d’ambassadeurs Eglise verte, atelier d’auto-description des Bernardins, Chaire Jean Bastaire, régence au Campus de la transition ou autres…) aux référents diocésains, mais aussi aux séminaristes
9- Parmi les actions de la vie quotidienne, l’alimentation est celle que nous répétons trois fois par jours (parfois plus). L’alimentation n’est pas seulement affaire de convivialité, mais aussi une occasion de fraternité avec les commensaux ainsi qu’avec celles et ceux qui ont « cultivé » le jardin de Dieu. Depuis près de dix ans nous promouvons un Carême pour la Terre, qui propose un cheminement de paix avec la Création, à travers une alimentation sans viande ni poisson. Cette initiative rencontre un succès croissant. Cela nous a aussi donné l’occasion de constater la détresse de nombreux éleveurs. Nous proposons :
→ promouvoir deux fois moins de viande et de poissons mais deux fois meilleurs, issue d’une agriculture biologique durable.
10- Enfin la prière est le fondement de notre vie chrétienne. Dieu peut tout. Or, à notre époque, ceux qui regardent en face le chemin tragique de l’humanité connaissent la désespérance, et nos élus n’ont pas la clairvoyance et le courage nécessaire pour changer de cap.
→ Proposer que chaque paroisse adopte une cinquième intention de prière universelle chaque dimanche pour la sauvegarde de la Création.